Afrique : que nous facture-t-on ? l’énergie électrique ou l’obscurité ?

Article : Afrique : que nous facture-t-on ? l’énergie électrique ou l’obscurité ?
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22 novembre 2013

Afrique : que nous facture-t-on ? l’énergie électrique ou l’obscurité ?

circuit-electrique

Voici l’Evangile de l’obscurité en Afrique selon St-frustré.

Au commencement, l’Afrique était couverte de forêts et de savanes. Certaines parties étaient désertiques. Les tribus des enfants d’Afrique peuplaient les différentes contrées.

Ils étaient éclairés le jour par la lumière naturelle du grand astre soleil placé dans le firmament par le grand architecte de l’Univers.

La nuit, ces hommes s’éclairaient avec des matériaux constitués d’huile rouge de palme et versés dans de la papaye coupée en deux.

Certaines tribus brûlaient de la graisse d’animal pour s’éclairer.

Puis un jour ,vint les hommes à la peau rouge, mais qu’on appelle Blancs. Ces hommes dirent : que la lumière soit, et miracle, la lumière fut.

Il n’y eut plus de séparation entre le jour et la nuit.

Les tribus d’Afrique pouvaient s’éclairer à tout instant de la journée en passant le doigt sur le mur.

Ils pouvaient écouter des voix qui parlaient depuis des milliers de kilomètres, voir la tête des journalistes et suivre des événements en direct.

Il y eut donc une nuit des temps, puis l’ère des lumières. Ce fut la première phase.

Les tribus africaines dirent, nous n’allons pas rester tout le temps sous la domination des hommes à la peau rouge et au long nez.

Prenons notre liberté et présidons à notre propre destinée.

Elles prirent donc chacune leur liberté.

Pour continuer à profiter de la lumière apprivoisée dans des tubes à incandescence et autres outils, les tribus mirent en place des entités censées produire et distribuer l’énergie de jour comme de nuit. L’énergie pour les industries le jour et la lumière la nuit.

Le Bénin

La tribu du Bénin appela sa société SBEE : Société béninoise d’énergie électrique.

Certains membres de la tribu ont rebaptisé cette entité Société béninoise de « Etchi Eta », ce qui veut dire dans une langue locale la société qui éteint et qui allume, tellement la fourniture des prestations est inconstante. Les situations appelées « coupures de courant » sont fréquentes et intempestives.

Les embouteillages sont monstrueux aux heures de sortie des bureaux. La SBEE a souvent la mauvaise idée de couper l’énergie électrique aux  heures de pointe, alors que les feux de signalisation qui régulent la circulation sont alimentés par le réseau SBEE.

Les carrefours sont donc souvent encombrés de centaines de voitures et milliers de motos, le tout enveloppé dans un épais nuage de fumée toxique issu des pots d’échappement des motos et voitures. Mais les hommes n’ont pas d’autres choix, ils doivent subir, car la SBEE est toute puissante et a le monopole de la distribution du précieux « jus ».

Après une heure, voire plus deux heures passées dans les « Go slow » thème anglais signifiant « aller doucement », les hommes et femmes de la tribu béninoise rentrent à la maison dans l’obscurité la plus totale. Leurs enfants ne peuvent même pas étudier les leçons du lendemain. Le futur se retrouve donc menacé. Impossible également de prendre un bain pour se débarrasser de l’odeur de fumée, car l’entité qui distribue l’eau a besoin de l’énergie de la SBEE pour pomper la précieuse eau vers les châteaux d’eau.

Double peine

Dans le jargon judiciaire, cela s’appelle la double peine. Les hommes de la tribu qui sont nantis s’achètent des générateurs électriques appelés « groupes » dans le jargon béninois. Mais le bruit du « groupe » que le propriétaire s’arrange pour orienter vers la maison du voisin devient rapidement une torture auditive pour ce dernier tant « le groupe » est bruyant.

Contre mauvaise fortune, l’homme de la tribu décide néanmoins, bon coeur, d’aller se coucher. Mais là, en termes mathématique, il a une  équation du premier degré, mais à deux inconnues à résoudre. Première inconnue : la chaleur. En effet il fait très chaud sous les tropiques. La nuit il faut absolument faire tourner le « ventilateur » ou « brasseur d’air » qui fonctionne au courant afin de rafraîchir un peu la chambre. Vu le manque de courant, il faut alors ouvrir les fenêtres de la chambre. Mais dès que la fenêtre est ouverte un concert de moustiques se met en place, « Concerto au mosquito ». En effet, une autre caractéristique des pays du Sud est l’abondance de moustiques, ces insectes qui transmettent aux hommes par piqûres la redoutable malaria. Donc l’homme a le choix cornélien entre : dormir sous moustiquaire, dans la chaleur et bercé par le concerto pour moustiques, ou dormir sans moustiquaire, fenêtres closes, mais toujours dans la grosse chaleur. Pas simple n’est-ce pas la vie que leur impose la SBEE.

Activités économiques au ralenti et traumatisme

Le lendemain au bureau, impossible de travailler à certaines heures, car l’énergie électrique arrive par intermittence. Les sociétés qui produisent les biens et services tournent au ralenti, les administrations ne sont pas performantes et toute la chaîne économique est atteinte.

Les Béninois, tellement marqués par ces situations ont même peur, que dis-je ? Ils sont traumatisés dès qu’un problème de santé requiert une opération chirurgicale. En effet il se raconte dans l’imaginaire populaire que plusieurs malades ont perdu la vie au cours d’opération chirurgicale pour cause de coupure de courant intervenue durant l’intervention. Les choses ont bien évolué aujourd’hui. Les hôpitaux ont pris leurs précautions, mais vous savez aussi bien que moi que certaines histoires sont dures à effacer des mémoires.

Facture d’obscurité

Alors survient la fin du mois et son cortège de factures. Après toutes les privations subies, les hommes espèrent tout au moins une réduction du montant de la facture. En effet le ratio temps de courant/temps d’obscurité est inférieur à 1. Malheureusement, la facture de courant est souvent encore plus élevée que celui du mois précédent. Grands Dieux, que nous facture-t-on ? l’obscurité ou le courant ?

Pourtant que de projets ont été lancés : centrale à gaz en chantier depuis plus de 5 ans, Barrage hydroélectrique d’Adjarala ou de kétou, centrale thermique, etc.

Effet de contagion

Dans le cas du Bénin, il faut se poser la question de savoir si le manque chronique d’énergie électrique qui s’est aggravé ces dernières années n’est pas une contagion. En effet, le Nigeria, ce géant voisin du Bénin est célèbre pour ses coupures de courant et le nombre de générateurs électriques par habitant. Par un concours de circonstances que les Béninois ont du mal à s’expliquer, c’est vers ce pays que les autorités béninoises se sont tournées pour acheter de l’énergie électrique. Je n’ai rien compris à cette stratégie, mais les dirigeants doivent avoir leur raison que la raison ignore, sinon comment aller prendre de l’énergie chez un voisin qui lui-même souffre d’un déficit chronique de ladite énergie. Le seul résultat palpable pour l’économie béninoise est que la vente de générateurs  électriques est en plein essor. Chaque ménage béninois qui en a les moyens, chaque entreprise, chaque institution digne de ce nom s’équipe d’un groupe électrogène. Cela me rappelle les rues de Lagos souvent couvertes par les bruits des générateurs. Je crois bien qu’en se connectant au réseau électrique nigérian, le Bénin s’est fait contaminer tout simplement et a aggravé sa situation en matière de délestage. Le pays s’est mis par la même occasion à l’utilisation de « groupes électrogènes ».

Décision politique

Une histoire qui a marqué le commun des Béninois a été le fait qu’au début de son mandat, le président de la République ait tout simplement limogé le directeur régional de la SBEE à Parakou (3e ville du pays). En effet, le président était à une réunion de travail dans l’une des salles publiques de la ville lorsqu’une coupure de courant, chose ordinaire pour le citoyen lambda intervint. Furieux, le chef de l’Etat, sans autre forme de procès prononça immédiatement le limogeage du directeur régional, ce responsable qui n’avait pas su prendre les mesures adéquates pour assurer l’énergie électrique alors que le président était en tournée dans la ville. La question qui s’est donc posée est celle de savoir ce que doit faire le peuple lorsque les personnes auxquelles il a confié la responsabilité de rendre disponible l’énergie électrique sont défaillantes dans l’accomplissement de leur mission !!!

Guinée- Conakry

Les peuples de la Guinée-Conakry appelèrent leur entité de production d’énergie électrique « EDG » lire Electricité de Guinée. Ce nom est similaire à celui que les hommes à la peau rouge mais qu’on appelle Blancs ont donné à leur entité  en charge des mêmes prestations dans leurs contrées. La grande différence entre ces deux structures est que celle des hommes venus d’au-delà des mers joue parfaitement bien son rôle. Le courant électrique, source de lumière est disponible en abondance et ni les entreprises, ni les familles n’ont à se plaindre. Mais à Conakry, Electricité de Guinée que certains appellent  affectueusement « Obscurité de Guinée » fournit plus d’obscurité que de lumière. A Kaloum, le quartier de Conakry appelé « La ville » et qui abrite les administrations publiques et la plupart des  ministères, le courant est disponible presque 24 h sur 24. Que voulez-vous ? il ne faut pas mécontenter le Bon Dieu. Dans le reste de la ville appelée « banlieue », c’est le calvaire. Le courant est inexistant toute la journée. L’électricité est parfois disponible vers 2 heures du matin, mais à 5 h du matin, l’heure à laquelle les populations commencent à se préparer pour aller au bureau, le courant est encore coupé.

Excédées par cette fourniture permanente d’obscurité, les populations un beau jour ont décidé de descendre dans les rues pour crier leur ras-le-bol aux responsables politiques en charge de la gestion de la cité. Ce ne fut pas du tout une partie de plaisir.

Pourtant la Guinée est bénie par la nature. La plupart des cours d’eau d’Afrique de l’Ouest prennent leur source dans ce pays. Des barrages hydroélectriques puissants auraient pu être construits pour alimenter le pays en énergie électrique et même en exporter vers les pays limitrophes comme le fait le Ghana. Qu’attendent donc les responsables politiques ?

Sénégal

Au Sénégal, la population a déjà manifesté plusieurs fois pour coupure d’eau, si elle s’y met aussi pour cause de délestages intempestifs, le gouvernement risque d’avoir fort à faire. Selon les autorités en charge de l’énergie électrique, un projet de construction de centrale à charbon aboutira en 2017 et permettra à sa mise en service de pallier au manque d’énergie électrique. Les populations doivent donc courageusement prendre leur mal en patience et prier pour avoir l’énergie électrique 24 h sur 24 h d’ici trois ans. Enfin ! Wait and see. Mais en attendant, vive l’obscurité.

Et pourtant des solutions existent

Selon plusieurs spécialistes, une seule centrale nucléaire peut satisfaire les besoins de presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. La France vient chercher depuis plus de quarante ans l’uranium nécessaire pour ses centrales nucléaires au Niger. Pourquoi alors les pays africains ne peuvent pas s’unir pour construire une centrale nucléaire ? On parlera de problèmes de sécurité, de maîtrise technologique etc. Mais ce sont de faux problèmes, les ingénieurs africains formés à cet effet peuvent parfaitement assurer la maintenance de cette centrale. Nous devons arrêter de nous comporter en Afrique comme si la technologie nucléaire était hors de notre portée ou trop compliquée pour nous. Ce n’est pas pour rien que Dieu a mis l’uranium dans le sous-sol africain et si les autres peuvent le faire, nous le pouvons aussi.

Les solutions existent, mais la mentalité de pauvres qui inhibent les initiatives des Africains doit être effacée pour nous permettre de nous ouvrir à une nouvelle ère, L’ERE de la LUMIERE, comme les Japonais l’ont fait il y a environ deux cents ans. Et Dieu sait que nous avons besoin de lumière en Afrique

Voila l’Evangile de l’obscurité en Afrique selon St-Frustré.

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Commentaires

debellahi
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La lumière de nos dirigeants nous éclaire. C'est pourquoi la facture est conséquente.

khadim
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Même galère du coté de chez moi Sénélec devenu coupelec nous facture cher l'obscurité
Très bel article
de la part d'un frère d'une tribu pas très éloigné
mais pour le nucléaire je suis pas très chaud tournons nous plutot vers les énergies propres là est l'avenir

Chantal Faida
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Tout a été dit. Qu'ils t'entendent au moins pour une fois. Au Congo, on en a assez parlé que ... nos voix se sont éteintes sans gain de cause

Edmond NANOUKON
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Merci mes frères et sœurs des tribus d'Afrique pour vos contributions. C'est vrai qu'il existe plusieurs solutions dont les énergies renouvelables (dites propres), le nucléaire sans oublier l'hydro-électricité. Le nucléaire peut faire peur mais cela vaut quand même la peine d'y réfléchir . Je suis pour le développement durable et les énergies propres, mais je suis aussi pour le développement de notre continent par tous les moyens disponibles.
Il nous reste à travailler chacun à notre niveau, citoyen comme responsables politiques pour poser les bons actes et prendre les décisions idoines qui vont dans le sens d'un développement harmonieux et soutenable à long terme de notre continent.