Fier d’être africain ? Mais de quoi au juste ?
Je suis convaincu que si le choix leur était donné, 99,99 % de ceux qui proclament leur fierté d’être négro-africain vont préférer se réincarner dans un autre corps et sur un autre continent.
Arrêtons donc de nous mentir à nous-mêmes sur la fierté africaine.
Je n’éprouve pas de fierté particulière parce que je suis un noir.
Je n’éprouve pas plus de fierté particulière parce que je suis un africain.
Je ne dis jamais : je suis africain et fier de l’être. Je dis plutôt que je suis noir africain et je l’assume.
S’il y avait une telle fierté à être africain, pourquoi des centaines de nos frères se jettent dans des boat people pour rejoindre l’Europe ? Au nom de quelle fierté nos frères choisissent-ils la Méditerranée pour sépulture ?
Au nom de quelle fierté avec ce drame qui mobilise toutes les attentions en Europe et suscite l’indignation dans le monde entier, le silence des Chefs d’Etat (de tas) africains est-il si assourdissant ?
Au nom de quelle fierté veut-on accuser les Italiens de ne pas avoir rapidement porté secours aux migrants dont la barque chavirait ? Que font les Africains en ce moment ?
Au nom de quelle fierté les matières premières sont-elles vendues sans transformation aucune et donc sans apporter de plus-values et des emplois à l’économie du continent ? La transformation de ces matières premières dans les pays industrialisés est source d’emplois et de croissance au détriment de l’Afrique.
Au nom de quelle fierté des leaders refusent-ils de créer les conditions idoines pour l’épanouissement de leurs concitoyens ?
Au nom de quelle fierté les Africains appellent-ils à l’aide la France tant décriée par certains pour sauver le Mali de la main des djihadistes et la République centrafricaine des mains barbares de ses propres enfants ?
Au nom de quelle fierté les rues de nos villes sont-elles transformées en tas d’ordures à ciel ouvert ? Les caniveaux d’évacuation d’eaux usées transformés en dépotoirs et toilettes à ciel ouvert en plein cœur de nos villes capitales ?
Quel homme fier crache, jette des sachets plastiques ou des bouts de papier en pleine rue ?
Quel homme fier transforme les trottoirs de sa cité réservés aux piétons en boutiques et étalages en plein air et oblige ainsi les piétons à marcher sur la chaussée réservée aux véhicules ?
Quelle raison ai-je d’être fier lorsque les budgets des Etats africains sont en permanent déséquilibre et qu’il faut à chaque fois l’accompagnement budgétaire des PTF (Partenaires techniques et financiers) pour boucler les budgets et payer nos fonctionnaires ? Un diction africain dit que la main qui donne est toujours au-dessus.
Au nom de quelle fierté le détournement des fonds publics, la dictature et la mauvaise gouvernance sont-ils érigés en système de gestion ?
Lorsque j’ai pris conscience de mon état d’homme, lorsque j’ai pris conscience de moi, je me suis trouvé dans le corps d’un noir sur le continent africain.
Non je n’éprouve aucune fierté particulière à être noir et africain, mais je n’ai pas honte d’être noir et africain non plus. Je suis noir et Africain et je l’assume
Y-a-t-il un problème noir ?
Le seul pays du continent qui est développé a été bâti par des Blancs. Il est vrai qu’ils ont mis en place pendant longtemps un système inique de ségrégation raciale. Mais regardons-nous en face et demandons-nous si l’Afrique du Sud en serait là où elle est aujourd’hui si c’était les Noirs qui étaient au pouvoir dès le début ?
Un homme de culture camerounais a dit un jour : « Si vous ouvrez le crâne d’un Camerounais, vous y verrez des vapeurs éthyliques et des élucubrations footballistiques ». Si nous ne nous prenons pas au sérieux assez rapidement, Eboa Lotin aura raison de nous les Africains, même depuis sa tombe.
Combien de Noirs africains ont-ils déjà décroché un prix Nobel ? Cela se compte sur le bout des doigts. Les scientifiques africains se distinguent difficilement sur le plan international. Ne me dites surtout pas que c’est dû au néocolonialisme et que c’est un complot des Blancs. C’est une échappatoire que j’ai décidé de ne plus emprunter. On ne parle pas de néocolonialisme lorsque les Africains récoltent les distinctions dans les domaines du sport, de la musique, de la danse, etc. Quel est alors le problème ? Les Africains ne peuvent-ils exceller que dans les domaines d’activité physique ? Ne pouvons-nous pas exceller dans le domaine de la pensée, de la science ?
Cheick Anta Diop l’un des scientifiques africains les plus emblématiques des temps modernes l’a fait, et si un seul l’a fait, tous peuvent le faire. Il n’y a donc pas malédiction et de fatalité du sous-développement, mais sûrement un besoin de prise de conscience. Si chaque Africain pouvait faire ce qu’il sait faire le mieux sur le plan professionnel, c’est sûr que les choses v changeront. Mais tant que les ingénieurs agronomes seront installés dans des bureaux climatisés, tant que les professeurs d’université seront sans laboratoire digne de ce nom, tant que la bureaucratie et le détournement de fonds seront érigés en système de gestion et de vie, je ne pourrai pas dire : je suis fier d’être africain.
Je suis noir et africain et JE L’ASSUME.
J’assume mon ambition de faire de ce continent le nouvel eldorado de la planète par mon travail, mon génie et mon courage.
J’assume que bientôt les flux migratoires seront dans le sens nord-sud par la prise de conscience de nos valeurs, de nos richesses, la rigueur dans le travail, le respect des verdicts issus des urnes, la confection de listes électorales fiables et crédibles
J’assume ma volonté de travailler à être le meilleur homme que je puis être, le meilleur de ma spécialité, le meilleur de ma profession. Si chaque Africain était le meilleur de sa spécialité, l’Afrique serait ainsi un meilleur continent.
J’assume que pour l’Afrique subsaharienne, le costume cravate trois pièces n’est pas adapté à notre climat et qu’ en faire notre tenue de travail quotidien n’est que singerie et renoncement à soi-même. Je suis convaincu que si les Occidentaux vivaient dans un climat tel que celui de l’Afrique noire, jamais le costume trois-pièces et cravate n’aurait existé.
Il n’y a pas de progrès lorsque le cannibale commence à manger avec la fourchette
Il est temps que les intellectuels africains arrêtent de voir le néocolonialisme partout et se demandent ce que nous avons fait en cinquante depuis l’accession aux indépendances. Regardons-nous en face et reconnaissons qu’à quelques rares exceptions près, tous les « pères de l’indépendance » ont lamentablement échoué.
La Corée du Sud était au même niveau de développement que les pays africains en 1950. Aujourd’hui la Corée du Sud est la 11e puissance économique mondiale. Ils se sont juste pris au sérieux, ont su tirer intelligemment profit de la technologie des Occidentaux sans pour autant aller à l’affrontement et aujourd’hui ils peuvent être fiers. Le tout n’est pas de dénoncer, mais aussi de savoir reconnaître ses faiblesses et manœuvrer avec sagesse dans le champ des intérêts économiques pour tirer son épingle du jeu. Le temps n’est plus aux dénonciations du colonialisme et autres je ne sais quelle diabolisation de l’Occident.
C’est le temps de la réflexion, de la méditation, de l’écoute, de l’intelligence, du travail bien fait, de la sagesse et du courage.
L’Occident est progressivement entré dans l’ère moderne en suivant des étapes depuis la révolution industrielle au 18e siècle jusqu’à l’ère des nanotechnologies aujourd’hui. L’Africain à quelques rares exceptions près se contente de consommer les téléphones portables derniers modèles, voiture sortie d’usine, Tv plasma et que sais-je encore des derniers gadgets à la mode. Aucun pays ou continent ne peut se développer en étant une société de consommation tout simplement. L’Afrique doit aussi produire, car comme l’a si bien dit un monsieur que je respecte beaucoup – je cite » Il n’y a pas de progrès lorsque le cannibale commence à manger avec la fourchette ». Il demeure cannibale, car c’est toujours de la chair humaine qu’il consomme. Pensons-y. L’Africain doit reconnaître et assumer aujourd’hui qu’il est l’auteur de son propre bonheur ou de son malheur. Quand nous prendrons conscience de cela, nous pourrons stopper ce néocolonialisme du 21e siècle qui semble nous menacer. Nul ne le fera à notre place.
JE SUIS NOIR AFRICAIN ET JE L’ASSUME
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